Cette collection de citations est extraite du chapitre « Relations » dans N’en faites pas une histoire (Points, 1996 (1991), p. 160-170).
Raymond Carver y décrit son processus de sélection pour la constitution d’une anthologie de nouvelles en 1984.
Les extraits ont été sélectionnés par Annick Madec et Emilie Potin.

« Je suis enclin à préférer les personnages « réalistes » - c’est-à-dire ordinaires – placés dans des situations précisément décrites de la vie réelle. En matière de récit, j’ai un goût marqué pour les recettes traditionnelles (ou désuètes, comme diraient certains) : la réalité qui se dévoile couche par couche, chaque couche étant peut-être plus riche que la précédente ; les détails qui prennent leur sens petite touche par petite touche ; les dialogues qui, tout en révélant la psychologie des personnages, font avancer l’action.
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En écriture comme dans la vie, bannissez le flou.
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Je me suis efforcé de choisir des nouvelles qui rendaient compte, aussi clairement que possible, du monde tel qu’il est. Je voulais que ma sélection mette en lumière ce qui fait de nous des êtres humains et la manière dont l’humanité persiste en nous contre vents et marées.
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Les nouvelles ont souvent aussi une manière bien à elles, et très curieuses, de vous toucher au cœur.
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Des choix. Un conflit. Un drame. Des conséquences. Le récit.
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D’abord, ils sont tous animés d’un même souci de rigueur. Ils ont tous le souci d’écrire d’une manière précise et attentive sur des hommes, des femmes et des enfants reconnaissables comme tels, pris par les occupations ordinaires de la vie, ce qui n’est pas toujours une mince affaire, on le sait bien. Et la plupart du temps, les gens dont ils parlent ne se contentent pas de faire face comme ils peuvent aux aléas de la vie quotidienne : ce sont des gens qui luttent contre le sort et qui arrivent même parfois à le vaincre. Bref, ils nous parlent de choses importantes. Qu’est-ce qui est important ? L’amour, la mort, les rêves, l’ambition. Grandir. Apprendre à accepter ses limites, et celles des autres. Autant de petits drames, dont la portée est moins limitée qu’il peut le sembler de prime abord.
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Les nouvelles que j’ai choisies abordent d’une manière ou d’une autre les problèmes de la famille, de notre lien avec les autres, de la communauté. Leurs personnages sont des gens d’aspect tout à fait « réel » que l’on voit prendre des décisions, bonnes ou mauvaises (plutôt des bonnes que des mauvaises), et arriver à un point tournant de leur existence, qui quelquefois peut être un point de non-retour.
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Les personnages de ces nouvelles vont sûrement vous paraitre assez familiers.
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Les nouvelles nous parlent souvent de choses dont nous ne savons rien, et c’est tant mieux, bien sûr, mais elles doivent surtout, et c’est peut-être là le plus important, nous parler de choses que tout le monde connaît mais dont personne ne discute jamais ouvertement – sauf les nouvellistes.
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J’espère que les lecteurs (…) seront intéressés et même parfois émus (…). Car si ce n’était pas de cela qu’il s’agit lorsqu’on écrit des nouvelles aussi bien que quand on les lit, à quoi servirions-nous, je vous le demande un peu ? Et pourquoi serions-nous rassemblés ici ? »